Ce qui est compliqué dans le texte de Rousseau

Travaux sur les écrits de Rousseau
(à propos de ce qu’on pige pas)

Alors, la base, c’était la publication par l’académie de Dijon en 1749 de la question « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs » (un de ces trucs moraux d’académies…). Après avoir lu cette question dans un journal, Rousseau rédige son premier discours, le Discours sur les sciences et les arts qu’il publie en 1750.
Il y dénonce la disparition des valeurs morales pendant le développement des civilisations à l’époque des philosophes antiques.
Les grecs de l’Antiquité vivaient dans une «heureuse ignorance», mais avec l’arrivée au temps de Socrate des sciences et des arts, des «frivolités», le monde se serait transformé en un « Tartare ignorant et grossier […] peuplé d’esclaves et de méchants ». (expressions citées de la première partie du Discours)
Il dénonce le développement des vices, parallèle à celui des civilisations. Par contre, je n’ai pas dit qu’il trouvait les hommes mauvais, ils sont TOUS bons, mais juste pervertis par leur société.
(Rousseau a d’ailleurs été accusé de pélagianisme )
Alors le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes va reprendre ces idées en plus joli. Il glorifie l’homme à l’ «état de nature».
Donc il va faire une critique de tout ce qui ne vient pas de la nature, essentiellement les inégalités sociales et politiques, le peuple naturel est censé posséder les mêmes libertés, par conséquent il promeut la démocratie.



Après, il se retrouve sûrement (c’est seulement mon avis, je dis peut-être des conneries) un peu en contradiction avec la plupart des philosophes, en définissant comme eux l’homme comme un être similaire aux animaux qui a en plus une capacité de réflexion mais en comprenant ça autrement :
À partir du moment ou l’homme a un langage assez développé, il peut comprendre à quoi il pense, donc il apprend à devenir rationnel, mais alors il se détache de son instinct et peut faire parler son libre arbitre, donc selon les propos de Rousseau, on serait foutus dès que nos parents nous apprennent à faire « ma-man »… Parce que selon les autres philosophes, la capacité de réflexion est justement ce qui fait de l’homme la seule créature capable d’être diabolique…


…Par contre je fais pas de conclu (la flemme, et surtout, je suis pas doué pour ça), désolé.
Alors, à partir de Rousseau, vous pouvez ouvrir sur :
-Le romantisme, car Rousseau est le précurseur de ce mouvement : son credo absolu était la liberté, donc le naturel et par conséquent l’expression des sentiments.
-L’absurde d’après Camus si vous le connaissez : Rousseau était un révolté de son époque, tout comme Camus. Le monde prend une tournure dénuée de sens, et face à ce monde silencieux devant la demande de sens à la vie, Camus incitait à la révolte.
-L’opposition de Voltaire, qui adore son époque et la civilisation, et qui se trouve aussi en désaccord quant à sa vision de le nature humaine. (voir par exemple le poème «Le Mondain» publié en 1736, + la dispute entre eux après la publication de l’essai)
-Les propos des philosophes antiques, sur lesquels s’est un peu basé Rousseau, tels que Socrate et Diogène qui ont travaillé à simplifier la vie ; ça par contre, c’est trop dur (pour pas dire «trop chiant») à coucher sur papier, alors si vous vous intéressez à la philo, appelez-moi en privé.

J'en profite pour publier un petit commentaire sur le discours de l'origine de l'inégalité que j'avais dans mes documents

Rousseau

DISCOURS SUR L’ORIGINE ET LES FONDEMENTS DE L’INEGALITE

COMMENTAIRE DU PASSAGE


I. LA SOCIETE PRIMITIVE ET L’HOMME A L’ETAT DE NATURE

a. Une existence fruste.

Les activités des premiers hommes sont sommaires et limitées comme leur imagination : « se bornèrent », « quelques canots de pêcheurs », « cabanes rustiques », « quelques grossières instruments de musique » : rien dans cette énumération ne relève de l’art ni du raffinement.


b. Une vie sans échanges.

Rousseau ne mentionne aucun peuple en particulier car il n’y en avait pas selon lui à l’époque, il nomme simplement une entité indistincte : « les hommes ». Aucun projet d’envergure ne rassemble les êtres humains, notons encore l’usage de l’indéfini : « quelques canots ».

« Commerce » désigne ici toute forme de relation : personne n’est dépendant des autres dans le cadre de ses relations avec eux. Ce que Rousseau appelle « commerce indépendant » signifie que chacun vit coupé des autres et ne va vers eux que pour répondre à ses besoins et désirs individuels et facile à satisfaire.


c. le bonheur

« Ils vécurent sains bons et heureux » autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant ». Rousseau appelle ici « nature » la constitution de notre corps. Chaque être humain, comme chaque animal, chercherait à se maintenir dans un état de confort par rapport à nos besoins et fonctions vitales. Si les hommes ne recherchaient pas de chose que leur seul travail physique ne peut leur procurer, alors ils seraient heureux. Le sauvage est heureux parce que ses besoins sont faciles à satisfaire.

Rousseau s’oppose ici à la doctrine chrétienne du péché originel. Il n’imagine pas que l’être humain soit essentiellement fautif et que Dieu l’ait exilé pour cette raison ; il n’y a d’ailleurs aucune relation à Dieu dans ce texte. Rousseau est optimiste au sens où il pense que l’être humain pourrait être pleinement heureux sur terre, ce qui est inconcevable pour la pensée chrétienne, qui repose sur la notion de péché originel. Il n’imagine pas que la terre soit par un lieu de souffrance et de punition -aucune référence à Dieu ni à la Bible dans ce texte - pour lui le bonheur est une chose simple, accessible parce qu’elle est dans la nature de l’être humain.

Rousseau apparaît ainsi comme un penseur des Lumières puisqu’il s’interroge sur le bonheur et qu’il décrit l’être humain en mettant de côté la religion, auparavant omniprésente.



II. LA CATASTROPHE


d. L’instauration du travail

Rousseau décrit le processus de passage d’une économie de chasse et de cueillette, où l’être humain vivait dans l’instant présent à une économie planifiée. Le travail permet d’accomplir des tâches en commun, telle l’agriculture, pour en tirer plus de bénéfice. Cette planification du travail entraîne les hommes dans un cercle maléfique qui leur fait perdre ce bonheur naturel. Rousseau décrit cela en une suite de déductions :
Un homme (veut se faire aider) « a besoin du secours d’un autre » => Il faut « des provisions pour deux » (je dois nourrir celui qui travaille pour moi) => « la propriété s’introduisit » (ces provisions appartiennent à celui qui les a constituées ; pour garder sa récolte, il va enclore la terre, dire « ceci est à moi ») => « L’ égalité disparut » => « le travail devint nécessaire » pour renouveler les récoltes => une nouvelle organisation sociale s’instaure avec des maîtres et des esclaves, des possédants et d’autres qui n’ont que leur force physique pour survivre.


e. Les paradoxes

Ainsi, ce que nous appelons le progrès est paradoxalement décrit par Rousseau comme une catastrophe. Il exprime ce paradoxe au moyens de diverses figures de style :
- antithèses : « des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes », « l’esclavage et la misère croître au rythme des moissons
- Métahphores : double sens de arroser et de croître (zeugma)
« on vit l’esclavage et la misère germer et croître au rythme des moissons »

accroissement de l’esclavage
croître
croissance concrète des épis
- nouvelle antithèse : « ce sont le fer et le blé civilisé les hommes et perdu le genre humain ».

Notons que tout au long de l’extrait les phrases sont construites de manière binaire, afin de mettre en valeur les oppositions.


f. Extension du mouvement

Ce mouvement s’étend dans l’espace et le temps.
- dans l’espace : « les campagnes riantes »
- dans le temps : « le rythme des moissons »*

Il s’étend enfin à la terre entière, ainsi dans le dernier paragraphe de l’extrait, Rousseau se livre à des considérations sur le développement comparé de l’Europe et de l’Amérique.

Le mouvement civilisateur est accéléré par des découvertes techniques, fruits elles-mêmes de hasards naturels : on vit dans une région propice à la culture du blé, on trouve du fer => on crée la métallurgie => on fabrique des charrues.

Rousseau explique ainsi la différence de développement entre les êtres humains sur la planète : il appelle « sauvages » ceux qui n’ont eu accès ni à l’agriculture, ni à la métallurgie, puisqu’ils vivaient dans une région dépourvue de fer et de blé. Il appelle « barbares » ceux qui n’ont pas pu conjuguer, pour les mêmes raisons naturelles, les arts de l’agriculture et de la métallurgie.

Rousseau fait une référence à la notion « d’âge d’or »et « d’âge d’argent » : ces formules désignaient dans la mythologie grecque les premières sociétés, périodes de bonheur quand les hommes vivaient en paix avec les Dieux. Le terme « âge d’or » signifie de manière plus générale toute période faste. Quand Rousseau écrit que « Pour le poète, c’est l’or et l’argent, mais pour le philosophe ; ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes » il montre que la civilisation ne repose pas sur le développement spirituel, ni sur le luxe, mais sur des faits matériels et des techniques de production.



III. UNE PENSEE ORIGINALE


g. L’idée de l’unité du genre humain

Au XVIII° siècle les occidentaux considéraient généralement – cela dure encore pour certains, hélas…- que les hommes étaient de nature différentes, que les africains que l’on emmenait en esclavage étaient moins élevés que les blancs dans la hiérarchie naturelle, voire pas tout à fait des hommes (cf. le passage sur l’esclavage des nègres dans L’Esprit des lois de Montesquieu) Rousseau élimine cette pensée inepte, il explique qu’il n’y a qu’un seul « genre humain » mais différents stades de civilisation, il propose un modèle unique pour rendre compte du développement de toute l’humanité. Si l’Europe est plus riche en fer, ce qui a permis de créer des charrues – mais aussi des armes – ce n’est pas le fait de l’intelligence supérieure des européens.

Il écarte l’idée de prédestination divine : le travail n’est pas une punition de Dieu, la civilisation n’est pas un cadeau de Dieu à certains peuples. Pourtant c’est ce que tout le monde croyait au XVIII° siècle.

Enfin, il montre l’importance primordiale des conditions matérielles et de l’organisation du travail dans le développement des sociétés.

L’influence de Rousseau est encore présente dans la pensée d’aujourd’hui, notamment dans le regard que nous portons sur les peuples restés proches de la nature et menacés par la civilisation.



h. La différence entre Rousseau et les autres penseurs des Lumières

Les penseurs des Lumières (Voltaire, Diderot, Condorcet) croient au triomphe de la Raison et à la progression infinie de l’être humain vers le bien et le bonheur, grâce au développement des sciences et des techniques. Rousseau remet en question l’idée de progrès. Nous pourrions le rapprocher de certains écologistes actuels qui dénoncent les effets néfastes de la mondialisation économique et de la pollution.


i. Rousseau philosophe et Rousseau auteur des Confessions

Dans Les Confessions, Rousseau raconte comment, alors qu’il était enfant, il s’est heurté aux exigences violentes des adultes (ex : l’épisode du peigne cassé et dans une certaine mesure du ruban volé) et que ces traumatismes lui ont fait perdre sa pureté et le bonheur dont il jouissait innocemment. L’enfant des Confessions prend un peu la place du sauvage du Discours sur l’origine de l’inégalité : le modèle d’évolution est similaire.