Vendredi ou les limbes du Pacifique
5ème extrait
p.174 (En effet…) à 175 (…palétuviers)
Robinson s’échoue sur une île déserte et décide de s’y installer après une tentative d’évasion qui s’est soldée par un échec.
Il sauve par hasard un indigène d’un rite sacrificiel. Il l’appelle Vendredi et en fait son esclave. Cependant celui-ci se montre ‘désobéissant’ à plusieurs reprises…
Dans l’extrait précédent : « docilité parfaite » -> il y a une personnalité en-dessous. Vendredi s’affirme davantage et ne travaille plus comme avant.
Vendredi s’est aménagé un coin dans lequel il a créé un autre monde. On suit Robinson qui découvre ce monde.
On remarque la qualité du sens de l’observation de Robinson :
-> adverbes « visiblement », « tous » => il observe le tout et est soucieux des détails.
-> Sensations visuelle : « ces arbustes » => adjectif démonstratif de proximité, Robinson observe les arbre les uns après les autres.
Robinson est perplexe devant ce qu’il voit.
-> « déracinés et replantés », ça peut paraître normal, mais « à l’envers » (en italique) -> ce que Robinson découvre est de plus en plus contraire à ses pensées.
-> Vendredi a accompli un travail très important (« enfouis » -> il a fait de gros trous) en recomposant tout un paysage
(+ « dressées vers le ciel » -> les arbustes sont plutôt grands)
-> Procédés modalisateurs : « monstrueuse », « barbare » -> Robinson est choqué et prote un jugement sur cette plantation, il a peur => paysage insupportable. Il condamne Vendredi qui aurait travaillé comme un sauvage (-> « barbare »)
-> Registre fantastique : hésitation entre le réel (les arbustes se sont « accommodés ») et l’irréel (« fantastique ») ; champ lexical du doute : « paraissaient », « un aspect » (vague et imprécis)
===> incrédulité teintée d’inquiétude : « monstrueuse », « un aspect » (une anomalie)
Explication du phénomène : examen méticuleux, Robinson examine «la pointe des racines » et des « pousses », donc chaque détail.
->analyse : « ce qui supposait » -> imparfait hypothétique, heurt de sa logique et du sens commun.
-> «Robinson ne pouvait s’arracher à l’examen de ce phénomène » -> curieux, inexplicable, fantastique.
->« s’arracher » -> il est perturbé au plus profond de lui-même ; « examen » -> il reste un grand moment à observer méticuleusement. (il en oublie les tâches de la journée qui lui restaient)
Il porte un jugement sévère sur Vendredi (« fantaisie », « extravagance » -> termes péjoratifs
Il se méfiait du rire de Vendredi mais constate là une désobéissance concrète.
-> « qu’il l’ait exécutée » -> l’idée le choquait mais le problème vient du fait que pendant que Vendredi jardinait, il ne travaillait pas.
-> Colère/ « mais les arbustes avaient accepté ce traitement »
-> il est obligé d’accepter ce procédé anti-naturel, il est obligé de remettre en cause son système d’idées
-> Hésitation : il condamne moins Vendredi. « Pour cette fois au moins » -> il reconnaît que ce n’était pas qu’une simple destruction, il l’excuse.
-> Jugements contrastés : « aspect positif » ; « inspiration » ; « baroque » (= recherché et irrégulier) ; « dérisoire » (là c’est une sérieuse condamnation).
-> Robinson commence à accepter les pensées de Vendredi.
« Robinson n’avait pas fini de méditer cette découverte ! »
(-> ironie, intrusion d’auteur : légère condescendance de Tournier à l’égard de son héros.)
/retour au récit (avec des verbes d’action) ; le chien (à l’image du maître) examine également le décor : il avança « précautionneusement », « progressa lentement, le cou tendu » (-> personnification du chien).
Eclat du rire de Vendredi : action rapide (passé simple), soudaine et totalement imprévisible.
-> « Alors le tronc s’agita, et le rire de Vendredi éclata »
assonances en « a » et « i » visant à souligner une harmonie pendant le rire, + détonation du rire de Vendredi avec une allitération en « t ».
Nouvel éclat du caractère joyeux de Vendredi que Robinson ne supporte pas. Déguisement en plante : casque de fleurs+peinture de feuilles de lierres sur le corps nu.
-> Métamorphose de Vendredi : se sert de végétaux (« jus de génipapo »+«fleurs ») pour se changer en végétal (rameaux qui s’enroulent autour de lui -> le corps ressemble à un tronc d’arbre)
-> Surprise de Robinson : « Sur tout son corps nu » -> le travail est complet. + « casque de fleurs » -> il y a une certaine densité de fleurs. Le sentiment de Robinson est ambigü, il ne condamne plus et semble même témoigner une sorte d’admiration (rien de péjoratif lorsqu’il scrute les détails.)
Vendredi cultive l’esthétisme : s’est peint tout le corps (art pictural), et danse (« chorégraphie ») -> initiation par Vendredi à l’art.
/Ultime réaction rationnelle de Robinson : « rire démentiel »
-> il a peur de Vendredi qu’il prend pour un dément.
Vendredi se lave, détruisant son travail. Eveil à l’art gratuit, il savoure l’instant présent => entrée dans le monde de la beauté et du temps inexistant. En se métamorphosant en plante, Vendredi métamorphose Robinson, c’est l’esclave qui initie le maître.
« pensif et silencieux » -> Robinson ne condamne plus Vendredi, il ne le punit pas. -> Acceptation de la personnalité de Vendredi, il se sent vaincu.
Travail d’hypotypose : « Toujours dansant dans l’ombre des palétuviers » -> rythme binaire, Vendredi trottine.
=> Opposition entre Robinson et Vendredi ; comportements antithétiques : Robinson = civilisation résonnante et logique de l’esprit //Vendredi = vie sauvage en symbiose avec la nature.
=> Tournier donne un message sous-jacent en valorisant Vendredi tourné vers l’art, le joie et l’acte gratuit ; il condamne Robinson et prépare sa métamorphose.